1. L’analyse de la BD relève de la macro-sémiotique, parce qu’il n’y a pas, dans l’image, de petites unités stables analogues à celles de la langue.
2. Au sein du genre narratif, la BD est une espèce à dominante visuelle.
3. Ni la présence d’énoncés verbaux ni celle d’un personnage stable et identifiable ne sauraient fonder une définition de la BD.
4. Si la vignette est l’unité de base du langage de la BD, son principe fondateur est la solidarité iconique.
5. L’espace de la bande dessinée est un espace compartimenté, un multicadre, dont l’agencement — la mise en page — relève de la spatio-topie.
6. L’articulation sémantique des contenus relève de l’arthrologie ; elle utilise des relations linéaires relevant du découpage et quelquefois du tressage, ainsi que des relations translinéaires ou distantes qui participent du seul tressage.
7. Trois paramètres spatio-topiques définissent la vignette : sa forme, sa superficie et son site (c’est-à-dire l’emplacement qu’elle occupe dans la page et dans l’œuvre entière).
8. La double page est une unité pertinente du point de vue perceptif.
9. Le cadre de la vignette exerce six fonctions : de clôture, séparatrice, rythmique, structurante, expressive et lecturale. fonction de clôture : il ferme la vignette et lui confère une forme ;
fonction séparatrice : il sépare la vignette de son péri-champ ;
fonction rythmique : il précipite le récit et, simultanément, le contient ;
fonction structurante : il informe et détermine la composition de l’image ;
fonction expressive : il accompagne ou contredit le contenu, indique son statut par un tracé particulier ;
fonction lecturale : indice de quelque-chose-à-lire, il invite à s’arrêter et à scruter.
10. La prépondérance de la forme rectangulaire s’explique par le fait qu’elle est : - historiquement canonique, - homothétique par rapport à la page, - la plus compatible au sein d’un multicadre.
11. La planche comme empilement de strips est une conséquence de la prévalence du codex sur le volumen.
12. Unité intermédiaire, le strip peut se voir conférer une pertinence esthétique ou narrative. Divers paramètres peuvent renforcer son autonomie.
13. Unité subordonnée à la vignette, la bulle est porteuse d’informations ; elle est aussi, en elle-même, information.
14. Le rapport de la bulle à la vignette se pense en termes de profondeur, de formes, de superficies et de positionnement.
15. La bulle produit un effet de dissimulation de l’image. Elle en constitue le cadre intérieur.
16. La bulle admet quatre positions : enclavée, accolée, ouverte, en débordement.
17. La disposition des bulles dans la planche structure l’espace paginal, influençant à la fois le parcours du regard et le rythme de la lecture.
18. Une vignette incrustée peut relever d’une simple superposition ou d’une interaction dialogique. Phénomène local, l’incrustation ne peut être interprétée qu’au regard de la planche entière.
19. La mise en page assure la compatibilité des cadres et la lisibilité du parcours de lecture ; elle soumet en outre la page à un ordre esthétique global.
20. La mise en page peut-être régulière ou irrégulière, discrète ou ostentatoire. Sa motivation s’apprécie en relation avec les contenus iconiques et narratifs.
21. Le découpage assure la discrétisation du contenu narratif. Il joue sur la redondance (ou son économie).
22. Les vignettes sont des prélèvements opérés à la fois dans le temps et dans l’espace.
23. La mise en scène participe du découpage.
24. Mise en page et découpage se déterminent mutuellement.
25. L’image est un énonçable (donnant lieu à des énoncés quand le langage s’en empare), un descriptible et un interprétable.
26. Le sens d’une vignette peut subir des déterminations rétroactives.
27. La vignette seule, le syntagme ternaire dont elle occupe le milieu, la séquence entière sont trois plans de signifiance distincts et complémentaires.
28. Le blanc intericonique n’est pas le lieu d’une image virtuelle mais d’une articulation idéelle.
29. La description ne connaît que des actualisations partielles et subjectives, chaque lecteur retenant certains détails signifiants pour lui. Par ailleurs, le degré de descriptivité de l’image dépend du style du dessinateur.
30. L’interprétation de l’image se fait en référence : 1° à l’encyclopédie du lecteur, et 2° au réseau constitué par l’ensemble des images.
31. Les fonctions du verbal sont au nombre de sept : effet de réel, dramatisation, ancrage, relais, suture, régie et rythme.
32. L’ancrage sémantique de la vignette est d’abord assuré par son inscription dans la séquence, non par le verbal.
33. Le stade du quadrillage correspond à la prise de possession initiale de l’espace de la page et du support. Il définit une matrice que la mise en page affinera et spécifiera.
34. Le tressage est une structuration additionnelle et remarquable, qui définit des séries à l’intérieur de la trame séquentielle.
35. Le tressage met en tension le plan du procès (diachronique) et le plan du système (synchronique). Il dote la vignette de coordonnées hyper-topiques, qui transcendent son site pour lui conférer la qualité de lieu.
36. La BD cultive traditionnellement le dessin narratif, caractérisé par l’anthropocentrisme, la simplification synecdochique, la typification, l’expressivité et la convergence rhétorique.