Versailles, le 22 septembre 1987
Très cher ami,
Je viens de recevoir aujourd’hui le n° 77 des Cahiers où bien des choses m’ont plu (Ah ! cette pique à notre ami H.F. !) et c’est avec une bonne émotion que j’ai redécouvert la chronique de Cerisy. A propos j’ai oublié de te remercier du chèque que j’ai reçu pour les planches publiées, c’était une bonne surprise.
Je tiens à m’excuser de nouveau pour t’avoir fait défaut concernant ce portrait de F’Murr que je devais faire pour L’Année [1]. J’ai été dans l’impossibilité de le mener à bien à la fois à cause de problèmes de temps (comme je te le disais je m’occupe en ce moment de réaliser un livre de 116 pages quadri sur l’histoire de l’obélisque de la Concorde, écrit par ma mère qui est égyptologue ; et ce depuis la maquette jusqu’à l’édition proprement dite) mais aussi en raison du fait que je commence à avoir des difficultés à tout vouloir mener de front, dessinateur, scénariste, éditeur, critique… (étudiant…) Et il m’a été impossible d’entrevoir une rencontre avec un auteur que j’admire comme F’Murr, en tant que critique, journaliste ou interviewer, au moment où je me pose d’énormes problèmes créatifs vis-à-vis de ma pratique de la bande dessinée. Disons que je commence à sentir quelque chose d’incompatible entre vouloir faire ses preuves en tant qu’auteur et parler directement d’autres dessinateurs. Un texte comme celui sur Métal, d’intérêt plus général, me pose moins ce problème – quoique ce que tu m’en as dit, à savoir que j’étais « grillé des Humanos », selon toi, m’effraie assez rapport à un certain vieux projet… Je me rends compte que tous les textes que j’ai écrit avec cœur sur la BD étaient des pamphlets motivés par une réaction d’auteur et non par une volonté critique. Il m’intéresse d’écrire sur la bande dessinée dans la mesure où c’est en rapport avec ma réflexion sur la pratique que j’en fais. Et, même si tu trouves ça ridicule, j’éprouve quelque chose de honteux à parler d’untel ou à interviewer un autre tel alors que je me démène tellement avec ma plume pour être vaguement satisfait de ce qui en sort. En fait, j’ai beau avoir essayé, inconsciemment je savais que je ne ferais pas ce portrait. Ça tu l’as senti et c’est de ne pas m’être désisté plus tôt que je m’excuse surtout. A l’avenir je cogiterai plus longuement les articles que tu me proposeras afin d’éviter ce genre de surprises.
Bien à toi,
JCMenu