A l’occasion de mes cinquante ans, j’ai eu le désir de composer ce florilège parmi les lettres qui m’ont été envoyées, depuis plus d’un quart de siècle, par des auteurs de bande dessinée. Je n’ai entretenu de correspondance suivie qu’avec un petit nombre d’entre eux, n’ayant jamais vraiment cherché à me lier d’amitié profonde avec des dessinateurs, crainte qu’une trop grande proximité nuise à ma liberté de parole comme critique. Mais j’ai souvent eu à cœur d’échanger des réflexions avec ceux auxquels mon travail me conduisait à m’intéresser, à leur soumettre mes hypothèses pour validation ou simplement à solliciter auprès d’eux des informations de première main. Aussi est-ce le plus souvent moi qui ai pris l’initiative des échanges dont sont extraites les pages qui suivent.
Si je les communique aujourd’hui, c’est parce qu’il me semble que chacune de ces lettres apporte un éclairage intéressant sur son signataire et le rapport qu’il entretient (ou qu’il a entretenu à tel moment de son parcours d’auteur) avec son œuvre. Parce que les propos qu’on lira ici sont rarement les mêmes qui ont pu être tenus dans la presse à la faveur d’entretiens. Et, plus généralement, parce qu’il s’en dégage des aperçus intéressants sur la relation des créateurs avec ceux qui font profession de commenter, de prolonger ou de médiatiser leur travail. La critique, on le verra, n’est pas toujours vécue comme un « mal nécessaire », mais souvent comme un écho bienvenu, un encouragement, une occasion de clarifier ses propres conceptions.
Je tiens à remercier les auteurs qui ont pris la peine d’échanger avec moi et qui m’ont autorisé à reproduire ici les quelques lettres qu’on va lire – données dans l’ordre chronologique.